Les Peintures de l’église … Déroulement de leur mise en œuvre :
Si aujourd’hui elles sont une curiosité et une interrogation quant aux possibilités de les réaliser dans un pays si petit et si pauvre : elles voulaient être à l’époque un enseignement de la religion catholique pour un public comportant encore un nombre important de personnes illettrées….. Les dessins sur les murs pouvaient les éclairer…..
L’initiateur de ces œuvres fut un jeune prêtre, né au pays de chez Pion …D’abord vicaire pendant 5 années à Arfeuilles, il nous arriva à l’automne 1933 … Claude Joannies Mercier – ainsi signait-il – avait du pain sur la planche … Sa mission expressément formulée par l’évêque comportait deux objectifs : restaurer l’église en train de se détériorer. Raviver le sentiment religieux de la paroisse… Il s’y employa avec ardeur et détermination…. Il arriva tout juste pour la célébration du 11 novembre 1933, impatiemment attendu par le président des anciens combattants : Augustin Geneste, alors facteur-receveur à la Poste… Puis immédiatement les aménagements urgents furent mis en place : Déjà à Noël l’église était électriquement éclairée par 7 lampes (l’électrification était arrivée depuis peu)
Un poêle était installé avec sa cheminée d’évacuation… La sacristie meublée et les tambours (sas d’entrée) en voie d’achèvement… Puis dès février 1934 il lançait le « bulletin paroissial » dit le Trait d’Union, servi gratuitement à toutes les familles de la paroisse … et proposé contre abonnement à l’extérieur …C’était l’outil indispensable pour aiguillonner, encourager , insister sur l’urgence et le coût des travaux, solliciter, implorer, remercier, bref mobiliser autour de cette entreprise qu’il voulait œuvre commune. Il y était relaté la liste des donateurs, grandes et petites sommes, les dons en nature – le bois surtout – les noms de bénévoles s’activant aux différents travaux etc … sans oublier les cérémonies et activités intéressant la vie religieuse aussi bien que les exposés de la doctrine catholique, selon la présentation de l’époque.. C’est donc à partir de ces « bulletins » devenus documents d’archives, que nous pouvons suivre le déroulement des opérations …
Janvier 1936 : Ouf ! « Après deux années chargées de travaux et de soucis ; Plus de 100.000 F de réparations effectuées dans notre petite commune de 700 habitants. Murs et toiture restaurés … et la commune n’y a participé que pour 20.000 F (qu’elle dût emprunter en totalité)
Février 1936 : « Notre dette de 20.000 F est acquittée grâce à la 4 ème liste d’offrandes » suit une liste allant de 5 à 1000 F …Sans compter la quête au mariage Renoux-Copet de 32 F 60 ». « Mais les travaux extérieur, à peine terminés, il faut songer aux réparations intérieures … Nous avons déjà reçu quelques offrandes à cet effet.. ce qui nous fait espérer leur réalisation en 1936 »
Mars 1936 : « deux devis seront exécutés prochainement. 1) Une boiserie en chêne servira de soubassement aux 3 chapelles. 2) Les peintures de la chapelle Sainte Vierge …. Les jeunes filles constituent à cet effet une cagnotte et en outre leurs séances théâtrales des 5 et 12 janvier a produit la jolie somme de 1500 F. Le plan en est exposé à la salle paroissiale. Un troisième devis est en projet : la restauration de la chapelle Saint Joseph. Les séances théâtrales des 9 et 12 février données par les jeunes gens ont apporté les premiers fonds …… D’ores et déjà, nous nous proposons de célébrer dignement le premier centenaire de votre église ; une plaque commémorative sera placée dans l’église… un chêne de 2M3 60 nous a été donné ; en quelques heures d’habiles ouvriers bénévoles l’ont abattu et conduit à la scierie …..
Mai 1936 : Nous exécutons la dernière tranche de travaux prévus …. Nous n’achèverons que les deux chapelles …. Nous marquerons l’année du centenaire par le souvenir du Centenaire et aussi le souvenir des morts de la grande guerre et ce sera tout… Plus tard vous continuerez l’œuvre commencée, je ne veux pas vous en demander d’avantage…
Surtout n’en croyez rien ; patientez seulement un peu ….
Mai 1936 anecdote : « Une session ménagère de 4 semaines s’est terminée le 19 avril » Il reste quelques survivantes à ce jour, qui ne sont plus toutes jeunes ….. Eva Moussière : mention bien, Marthe Pignaud, Laurence Mazioux, Aimée Fayet : assez bien « Offrandes pour le monument aux morts (du fond de l’église) de 5 à 50 F ».
Juin 1936 : Dépenses pour la chapelle de la Sainte Vierge, Note Réverberi, peintre = 3000 F donné acompte 500 F, peintures et accessoires 535 f 25 + la pension des peintres Note Gadet-Blettery (plâtriers-peintres) 250 F.
Août 1936 : Un monument du centenaire est édifié au fond de la nef, reconnaissance aux bienfaiteurs de l’église. Ainsi qu’un monument rappelant les morts de la guerre. La croix de guerre en granit est l’œuvre des Comolli, père et fils du Mayet. Les boiseries sont l’œuvre de M. Assant, menuisier-ébéniste à Arfeuilles.. Une souscription bat son plein …. Bigay Mary, charron à Ladrée a offert un support drapeau. Offrandes de 5 à 50 F (Léon Chambonnière).
23 Août : Journée du centenaire de l’église:
- 10 h 30 Grande messe solennelle – inauguration de la plaque souvenir.
- 14 h 30 Inauguration du monument aux morts – fanfare de Ferrières
- 17 h 00 Séance récréative par la troupe sportive de Commentry
- 19 h 00 Concert par la fanfare – feu de camp par les scouts de Vichy et Commentry
La quête faite par deux anciens combattants a rapporté 499 F 95. Un don anonyme, des voyageurs inconnus, laissent une enveloppe adressée à M. le Curé, le 16 août, contenant
1500 F. Une fillette apporte sa tirelire : il y avait 89 F, M. Mazan, marchand de sabots : 250 F, bénéfice de la buvette : 351 F. Octobre 1936 .. Nos dettes ont été considérables …actuellement nous en devons plus que 214 F.
Mars 1937 : Les chapelles sont terminées. C’est à cause d’un don imprévu que la restauration du chœur a été entreprise. Il ne payera pas tout mais nous avons pensé qu’il fallait continuer … commencé en octobre le devis exécuté sous la direction de M. Reverbi – peintre à Vichy est terminé « 4 mois de travail, soit sur place soit à l’atelier du peintre et tout le monde admire le ciel de la voûte… » A ce sujet anecdote : j’avais donc entre 8 et 9 ans … et ô stupeur : au milieu de l’église, juché sur une échelle, qui n’en finissait plus, un homme jeune, à l’aide d’un grand pinceau, barbouillait la voûte avec application …. Aïe, pensais-je, s’il tombait …. il ne l’a pas fait. Pourtant … la guerre s’étant allumée, il fut mobilisé … fait prisonnier en 1940, détenu en Allemagne, atteint de maladie, il y est décédé… c’était Marcel Monloup de Périasse … Hommage lui soit rendu….
« Offrandes pour le chœur de l’église : anonyme 2 F, Mlle Carton 6000 F »
« Beaucoup de paroissiens voudraient voir les deux cotés de la nef, revêtus eux aussi de leur décor… Je ne suis pas prophète, mais je crois bien que vous les verrez encore longtemps, tels qu’ils sont. Car les travaux de chœur nous laissent une dette de 1.425 F qu’il faudra solder d’abord. » C’est ce que nous allons voir … On ne s’arrêtera pas là …
Anecdote : Pâques est le 28 mars .. le lundi 29 inauguration d’une croix au Village Ramillard « Haute de 4 m, elle domine le petit vallon descendant vers la Besbre… œuvre de M. Devaux elle est ornée de tous les instruments de la cruxification ». Malheureusement les documents en ma possession ne vont pas au-delà, et les péripéties de la dernière tranche ne pourront être relatées….Toutefois, il me reste un souvenir de gamin et c’est probable que mes vénérables contemporains qui sont parvenus à subsister jusqu’à ce jour, en ont aussi…. Voici mon témoignage .. Parfois, comme leçon de caté, e ntre onze heures et midi M. Le Curé nous emmenait voir les dessins en cours(qui se déroulaient comme une bande dessinée) et les commentait… On en était à l’exécution du «Décalogue», coté gauche. Le peintre s’activait sur le carré réservé au Vème commandement (tu ne tueras pas), la ou l’on voit, dans un cercle, la tête de Jésus à l’approche de sa mort, sur la croix le texte en est : « Aimiez-vous comme je vous ai aimés ». L’expression du visage ne fut pas du goût de notre curé et il interpella l’artiste qui resta le pinceau en l’air « mais non, (son nom ?) il ne faut pas que Jésus, même souffrant, ait un air désespéré.. au contraire, sa mission accomplie, c’est confiant qu’il va vers son Dieu…. C’est une figure pleine d’espérance qu’il faut lui donner ». Ayant opiné, le peintre saisit un chiffon et effaça ce qui n’allait pas … La suite donna ce qu’on voit encore… Mais voilà, les ans ayant passé (80 bientôt) on se trouve à la tête d’une œuvre, qui est devenue objet du patrimoine… Bien entendu, elle risque aussi d’avoir un intérêt touristique (c’est même ce qui paraît motiver l’entreprise) Comme telle et pour sa transmission aux générations futures .. aussi bien que pour son aspect économique immédiat, elle mérite d’être sauvegardée et même, sa découverte proposée aux visiteurs…. Mais de quelle manière car ; Pour le moment ces peintures se trouve dans un lien qui reste » une maison-Dieu, lieu de silence et recueillement » (dixit journal paroissial N° 8 – décembre 2012) Remarquons d’abord qu’on obtiendrait la même chose dans une locale 10 fois moins grand… et non plus en mobilisant un édifice qui appartient à d’autres… Vacataire certes, mais par quelle utilisation désormais. C’est pourquoi – ce n’est qu’un avis personnel qui n’engage personne – la communauté catholique pourrait méditer cette parole : Rendez à César ce qui est à César .. et à Dieu ce qui est à Dieu… C’est-à-dire, autre chose qu’un empilage de pierres vénérable certes, mais qui aurait perdu son âme, sa raison d’être… Bien sûr, la mise en œuvre ne peut s’envisager qu’après un temps de réflexion, de débat, de consultation populaire peut-être …
Mais à terme elle est inéluctable.
Robert Gay